Thursday, October 9, 2014

ALGERIA: L’Algérie n’arrive pas à rattraper son déficit en ciment : Grands projets et immenses incertitudes

Au moment où l’Algérie annonce sa volonté d’augmenter sa production de ciment pour satisfaire le marché interne, la facture des importations explose.
Le discours annonce une hausse imminente, ou à moyen terme de la production de ciment en Algérie. Mais pour l’heure, ce sont les importations qui augmentent de manière inexorable, depuis des années, démentant un discours résolument optimiste, parsemé de projets et de perspectives prometteuses, jamais concrétisées sur le terrain.
Durant les huit premiers mois de l’année 2014, les importations algériennes de ciment ont augmenté de 31%, avec une facture de 373,5 millions de dollars, contre 285,3 millions durant la même période de l'année dernière, selon le Centre national de l'informatique et des statistiques des douanes (CNIS). Au total, l’Algérie a importé des matériaux de construction pour une valeur 2,25 milliards de dollars, contre près de 2,11 milliards durant la même période 2013, ce qui représente une hausse de 7%. En volume, on passe de 6.3 à 7,1 millions de tonnes, soit une hausse de 13,7%. Pour le ciment, on passe de 3,2 à quatre millions de tonnes.
Qu’en est-il pour le rond à béton, autre produit clé pour le secteur du bâtiment? L’entrée d’Arcelor Mittal à El-Hadjar, il y a une décennie, devait non seulement colmater cette brèche des importations, mais dégager un excédent destiné à l’exportation. Aujourd’hui, il est question d’un désengagement, déjà entamé, d’Arcelor Mittal, mais la facture est toujours là : les importations ont atteint 1.29 milliards de dollars, pour 2.01 millions de tonnes de produits importés. Ciment et rond à béton coûtent désormais à l’Algérie autant que les céréales.
Discours décalé
Que dit le discours officiel sur ces questions ? Le ministère de l'industrie promet que l'Algérie cessera d'importer du ciment dans trois à quatre ans, quand les projets lancés commenceront à produire. Le pays sera alors en mesure de combler le déficit actuel, évalué à cinq millions de tonnes. Le marché algérien consomme 23 millions de tonnes, pour une production de 18 millions de tonnes. Le gouvernement prévoit même de porter la production à 29 millions de tonnes en 2018.
Le gouvernement fait feu de tout bois pour atteindre ces résultats. Il compte d’abord sur le GICA (Groupe industriel de ciment d’Algérie) pour lancer de grands projets dans le secteur. Il devrait construite quatre nouvelles cimenteries, et augmenter la cadence de production de six autres actuellement en production. 
En parallèle, il compte sur un apport du privé, avec notamment l’entrée du groupe Cevital de l’homme d’affaires Issaad Rebrab sur ce créneau. Le Conseil National de l’Investissement a donné son accord pour le lancement d’un projet d’envergure à d’El-Khroub, près de Constantine. La capacité de cette cimenterie, la plus grande du pays, sera de huit millions de tonnes par an.

Prévisions optimistes

L’usine produira quatre millions de tonnes à son entrée en production, en 2017. La production sera ensuite portée à huit millions de tonnes, dont la moitié sera exportée, selon M. Rebrab, qui prévoit une saturation du marché à l’horizon 2020.
Mais pour l’heure, le décalage entre production et consommation a forcé le gouvernement à tenter de rattraper le déficit, qui prenait de l’ampleur au fil des années. Entre 2012 et 2013, le déficit a augmenté de 23%, et il menace d’exploser dans l’immédiat, avec les projets lancés par le gouvernement dans le domaine de l’habitat. Pour le quinquennat 2015-2019, le gouvernement a annoncé son intention de construire 1.6 millions de logements pour éradiquer l’habitat précaire dans le pays. Même si ces chiffres doivent être pris avec beaucoup de prudence, ils indiquent une tendance qui risque de peser lourdement sur le marché algérien : habitat et travaux publics continuent en effet de tirer la croissance avec les énormes budgets qui leur sont consacrés.

Bureaucratie

Rien ne garantit cependant que les résultats en matière de production de ciment seront au rendez-vous. Car si le groupe Cevital, géré de manière performante par son propriétaire, semble en mesure de respecter son calendrier, le groupe public GICA est largement tributaire de décisions qu’il ne maitrise pas. D’ores et déjà, le groupe est engagé dans une opération de restructuration, lancée par le ministère de l’industrie, qui veut réduire le nombre de groupes publics de moitié, pour les ramener à une dizaine. Cette simple opération risque de déstabiliser le GICA, et d’absorber une partie de son énergie.
La force d’inertie qui écrase les groupes publics, avec un mélange de gestion bureaucratique, du poids de la tutelle, et d’absence d’autonomie risquent aussi de peser dans la balance pour, au final, transformer les projets en cours en simple discours. Le ministre de l’industrie lui-même, Abdessalam Bouchouareb, l’a reconnu : les groupes publics n’ont pu consommer que 18% des 9.5 milliards que l’Etat leur a consacrés. Le modèle de gestion n’ayant pas évolué, rien n’indique que ces groupes feront mieux durant le prochain quinquennat.

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