Tuesday, February 15, 2011

FRANCE: L'usine Holcim en versio n originale

 La délégation rochelaise au pied du broyeur et de l'un des silos avec lesquels Holcim fabrique son ciment normand.  photos pascal couillaud

La délégation rochelaise au pied du broyeur et de l'un des silos avec lesquels Holcim fabrique son ciment normand. PHOTOS PASCAL COUILLAUD


A quoi ressemble le centre de broyage qu'Holcim veut à La Rochelle ? La réponse est près de Rouen.

Dans un méandre de Seine, Holcim bâtit une partie de sa croissance tentaculaire. Le grand large est à 80 kilomètres vers l'ouest, en direction du Havre. A l'est, la région parisienne peut être approvisionnée sans contrainte par la voie fluviale. Ici, c'est Grand-Couronne. 10 000 personnes sur les 400 000 habitants de l'agglomération de Rouen. Une cuvette. Mais surtout, le pivot d'un Grand Port maritime dont le trafic annuel est quatre fois supérieur à celui de son petit frère rochelais.

Rive gauche, il y a ces sept hectares, cernés par un dépôt de charbon et une raffinerie de pétrole, à 600 mètres de la Seine et à 500 mètres de la première habitation. Holcim, le groupe cimentier suisse, y a investi dans la construction d'un centre de broyage de clinker. Formule habillant une unité de production de ciment, calibrée pour 550 000 tonnes annuelles. Ouverte en juillet 2009, elle est encore en phase de rodage.

Une usine parmi quarante

Quel intérêt, vu du littoral charentais ? L'unité de Grand-Couronne inspire en tout point le projet qu'Holcim dessine pour la Pallice : dans ses formes, dans ses volumes, dans sa capacité. Mais certainement pas dans son environnement. A Grand-Couronne, Holcim n'est qu'un élément dans un ensemble industriel dont la densité est sans comparaison avec le paysage portuaire rochelais. Un élu local évoque une quarantaine d'adresses, dont Renault qui exporte depuis ce quai dans le monde entier. Les vaches rouges, blanches et noires de la chanson de variétés sont bel et bien rejetées sur l'autre rive du grand fleuve.

À La Rochelle, la direction du port espère le projet d'Holcim depuis trois ans : il pèsera entre 6 et 10 % du trafic annuel. Mais les élus rétais de la Communauté de communes craignent que l'usine bouche la vue. Ils veulent porter l'affaire en justice. Et des habitants des quartiers proches redoutent les émissions de poussières et de bruit. Mais surtout, ils expriment que les nuisances industrielles sont d'un autre temps : pour l'association Respire et le Collectif non à Holcim, point de salut hors de formes de développement plus douces.

Retour en Normandie où se rendaient jeudi dernier une vingtaine de Rochelais. La direction du port de La Rochelle et Holcim ont organisé le voyage. Donner à voir, communiquer. « Pour que l'on puisse échanger sur des éléments objectifs, et pas sur des spéculations. Il faut que l'on puisse discuter sur des bases solides », considère le président du directoire du Grand Port de La Rochelle, Nicolas Gauthier.Visite sans les Rétais

Dans cette délégation, il y a ceux qui sont pour le projet. Acteurs portuaires, élus de La Rochelle et de l'agglomération, responsables techniques. Ils sont majoritaires. Il y a ceux qui sont clairement contre : deux membres de l'association Respire. Et ceux que l'on ressent indécis : trois membres du Collectif des associations de La Pallice Laleu La Rossignolette. Et il y a des absents non excusés : les élus rétais, pourtant invités.

Chasuble fluo, lunettes de protection et chaussures de chantier pour tous. Le Suisse se montre rigoureux, jusque dans les tenues de sécurité. A 40 mètres de l'entrée, le broyeur, le silo de stockage du clinker, le silo de stockage du ciment ne sont encore que hautes lignes verticales. Mais le bruit de fond n'impose pas d'élever la voix pour s'entendre. À mesure que l'on avance vers le cœur de l'usine, l'ambiance glisse vers la productivité. On ressent les vibrations que la meule géante transmet à la dalle en béton. L'usine en a sous le pied, le visiteur aussi… La porte s'ouvre grand. Le niveau sonore commande à présent d'enfoncer ses protections acoustiques.

Hauts murs, entrelacs d'escaliers en acier, vérins, conduites, ascenceur, mais l'unique cœur palpitant qui bat est celui du broyeur. On ne croisera que quelques salariés. Il est vrai que le projet rochelais n'annonce que 22 emplois au mieux.

Passage par le porche de chargement. Une citerne de poids lourd se gave de ciment. Aucune poussière. La goulotte étanche connectée au poids lourd semble jouer parfaitement son rôle.

Dans le ciel bas, la cheminée de l'usine crachote une fumée blanche. En prélude à la plongée dans les entrailles de l'unité de broyage, Frédéric Amoroso, le patron Atlantique d'Holcim, et Ahmed Mansouri, celui du site normand, ont répondu aux questions. Et notamment celles, parmi les plus sensibles, sur ces rejets dans l'atmosphère. « La norme de rejet autorisé est de 40 mg par mètre cube de rejets. Pour La Rochelle, le préfet de région nous a imposé 20 mg. Mais nos fournisseurs de filtres nous garantissent 10 mg !» Que craindre ? « À Grand-Couronne, nous avons obtenu des valeurs inférieures à 5 mg/m3. Nous avons bien eu un pic, mais de 7 mg. »

Filtres, transport, approvisionnement, jalonnent la discussion. Les cadres se gardent de jouer les conquérants. Technique de base du parfait communiquant. Il s'agit de convaincre, après avoir rappelé - y compris aux opposants - « qu'il y a déjà eu 65 points d'information et d'explication en deux ans sur le projet rochelais. » Mais, ajoute Frédéric Amoroso, « Nous ne sommes pas infaillibles. Cependant, chaque fois que nous pouvons apporter une amélioration, nous le faisons. Nous le ferons. »

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